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jeudi 24 juillet 2014

TENTATIVE D'EPUISEMENT D'UN PERSONNAGE - Veronique



(Il est à noter que Véronique n'a pas pu assister à toutes les séances consacrées au "fil rouge" de l'année. Certains éléments sont donc manquants)

L’homme était assis à la terrasse du café. Seul. Face à la place où défilait la foule des samedis après-midi. Isolé dans son long manteau, il fumait cigarette sur cigarette. Son regard noir ne fixait rien de précis, sauf lorsqu’il consultait sa montre ou l’écran sombre de son téléphone.
La tasse de café, vide, trônait au milieu de la table. 1, 2, 3,4 emballages de sucre ballotaient sous le souffle léger de la brise. Les mégots s’entassaient au fond du cendrier. La main attrapait, puis reposait fébrilement le téléphone portable qui demeurait obstinément  silencieux.


 
La veille, la journée avait mal commencé. Il était très en retard. Mais il n’avait pas réussi à s’éclipser assez rapidement : sa femme l’avait rattrapé juste au moment où il montait dans sa voiture. « En sortant du bureau, est-ce que tu pourrais faire 2 ou 3 courses ? ». Il n’avait pas trouvé de raison de refuser. Et ce soir, le voilà qui tourne dans les rayons de la superette, à essayer de localiser les précieuses denrées qu’il est censé ramener à la maison. « Yaourts, c’est fait. Nutella : zut, demi-tour, je suis passé devant tout à l’heure. Brioche, c’est bon. Chouchou Lou : qu’est-ce que c’est que ça ? Ça doit surement avoir un rapport avec ma fille, mais lequel ? Et Max. Quelle marque de dentifrice utilise Max ? J’ai passé ma journée à concevoir un nouvel espace culturel pour la ville, à convaincre les élus d’oser se lancer dans un projet ambitieux, à solliciter des mécènes pour qu’ils rajoutent un 0 au chèque qu’ils s’apprêtaient à faire. Et me voilà ramené à la simple réalité du quotidien : j’ignore la marque du dentifrice utilisé par mon fils… ».
                                                                                                                                   
Son esprit revenait sans cesse à sa journée de travail. Il avait passé plus de 2 heures à essayer de remanier ses plans.  Le client avait complètement modifié son projet. Il voulait plus de bureaux, moins vastes, sans modifier le volume de l’ensemble. Un vrai casse-tête chinois. Un de plus. Mais il avait toujours aimé relever ce genre de défi.
                                                                                                                                   
Dans un mois, c’est un autre défi qui l’attendrait : emmener toute sa famille en vacances. Il lui faudrait attraper les valises les unes après les autres et les ranger méthodiquement dans le coffre de la voiture.  Tout devait rentrer. On pouvait compter sur les enfants pour veiller scrupuleusement à ce qu’il n’oublie rien. Et puis, comme par miracle, tout finirait par trouver sa place. Toute la tribu se mettrait en route pour l’océan. Comme chaque année.
Les vacances, c’était surtout pour faire plaisir à sa femme et aux enfants. Lui, il s’ennuyait plutôt. Il attrapa son téléphone posé sur la table et rechercha les messages échangés avec son collègue l’été dernier.  « Bonjour Bernard. Le maire a-t-il rendu sa réponse ? Tu peux me joindre par SMS ou par mail. Je consulte ma messagerie trois fois par jour, à chaque retour de la plage ».
Un brusque coup de vent le ramena à l’instant présent. Le ciel s’était assombri, l’orage menaçait. Les passants défilaient devant lui en courant, pressés de rentrer avant que l’averse ne les surprenne. Elle ne viendra plus. Il se décida enfin à se lever, rassembla ses affaires et se mit en route d’un pas lent.


 
Samedi 14 mai
Je l’ai attendue une bonne partie de l’après-midi. En vain. J’aurais dû m’en douter. Notre dernière conversation ressemblait fort à un épilogue. Même si je refusais de l’entendre. Ça m’apprendra à ne pas vouloir choisir. Je veux tout : mon confort ″bobo″, ma famille, la routine rassurante du quotidien. Et le sel d’une aventure sans lendemain qui dure depuis des mois.  

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