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dimanche 8 décembre 2013

JOUR DE LESSIVE

Séance du 2 décembre 2013

Aujourd'hui, Isabelle nous a proposé un thème tiré de la chanson "Passez votre amour à la machine" d'Alain Souchon. Après avoir fait notre échauffement sur des listes de mots sur le thème de la lessive, des mots et des émotions, nous avons écrits des textes en rapport avec le thème.



Recette pour une écriture délavée (par Annick)

Faire bouillir prosopopée
Rougir esperluette
L'alexandrin blanchir
L'hémistiche, on s'en fiche

Décaper l'oxymore
Sécher la métaphore
Suspendre l'apostrophe
Raccommoder les strophes

Blanchir l'imparfait
Délaver la dictée
Décrasser la grammaire
Javelliser les listes

Votre encre savonner
Papier, crayon balayer
Lessiver le sonnet
Tordre les guillemets

Les parenthèses gassouiller
les attributs crocheter
Les majuscules épingler
Jusqu'au gris bouilli arriver.

Un écrivain lessivé


Sales mots ! (par David) 
Jadis, quand on disait un gros mot, on vous lavait la bouche au savon. C’est que c’est traitre, un gros mot. Ça se cache entre vos dents, n’attendant qu’une occasion pour s’échapper de l’orifice buccal pour se jeter avec sauvagerie sur une pauvre oreille innocente. C’est pourquoi, chers enfants, il faut se brosser les dents matin midi et soir. On nous dit que ce sont les caries, mais non ! C’est pour nous débarrasser de tous ces vilains mots qui vivent, grandissent et se répandent au sein de notre bouche. Quelquefois les mots, ces perfides, glissent le long de nos bras, passent sur nos doigts et viennent salir une belle page blanche, si éclatante, si pure. Ils viennent la souiller de leur tracé tortueux, de leur encre noire comme leur âme. Leurs arabesques sinueuses et asymétriques n’hésitent pas un instant à déflorer la virginité de nos cahiers les mieux éduqués. J’ai même vu des murs, oui des murs de nos cités, ces fidèles remparts à l’uniformité si rassurante, se couvrir de la crasse et de la difformité des mots.

Et ces mots, un fois écrits, sont indélébiles ! On ne peut, comme avec la bouche, les brosser pour en ôter la souillure. Pour les nettoyer, il n’est hélas qu’une solution : Il faut les lire, mesdames et messieurs. Oui, les lire. Un par un et sans pitié, pour que le chiffon de notre regard les fasse retourner dans nos têtes, là où est leur place. Il faut lire, mes amis, car un mot qui n’est pas lu n’est qu’une tache sur du papier.


La deuxième proposition de la séance était de choisir un vêtement, soit de travail ou d'uniforme, soit ayant une utilité précise, et d'un faire une description mettant en scène sa fonction. 

Le Tablier de plastique (par David)

Je me rappelle, il y a longtemps, un cadeau d’une tante excentrique : un tablier en plastique pour enfants. Il était bien lisse et brillant, comme une auto neuve. D’un bleu vif, il arborait sur la poitrine un magnifique ours en peluche. Je ne devais pas avoir plus de quatre ou cinq ans. « Avec ça, fini les taches. Tu vas pouvoir t’amuser sans crainte », me disait ma tante, fière de son astuce. Je me retrouvais donc devant une boite de peinture à l’eau, un gros tas de feuilles blanches, et des pinceaux de toute dimension. Le tablier devait débrider mon imagination, me libérer du carcan de l’inquiétude, de la peur de la tache sur mes beaux vêtements. Petit Picasso, réveille-toi ! Avec un tel instrument, la gloire était à ma portée. Je me lançai donc à corps perdu dans l’art pictural. Le tablier était épais, raide, attaché sur l’arrière par des boutons pressions qui claquaient sur la matière plastique. Il me rendait plus raide que Boris Karloff dans son rôle fétiche, mais peu importait ! Il libérait mon esprit et le confiait tout entier à la créativité. A la fin de l’après-midi, pas une feuille ne restait vierge ! Pas un pinceau ne restait sec ! Mes jours même portaient les stigmates colorés de mon déchainement artistique. Et quand je baissais les yeux sur le miraculeux tablier, il m’apparut alors totalement exempt de la moindre souillure. L’ours me souriait du centre de ma poitrine sans qu’une seule tache de couleur ne vienne défriser sa fourrure. J’en concevais un remord atroce : ce tablier se devait d’être taché ! Sa propreté était un affront à mes élans créatifs !

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