Les textes du blog sont la propriété de leurs auteurs et ne sauraient être utilisés sans leur permission.

dimanche 1 décembre 2013

QUESTION DE TITRE

Pour commencer ce blog, voici un texte de 2012 issu de la proposition suivante : Nous disposions d'une liste de titres, nous devions en choisir un et écrire une petite histoire issue de ce titre. J'avais choisi : "la maitresse de l'idiot". Le texte présenté ici est brut, et n'a pas été retravaillé.

La Maitresse de l'Idiot


Au village, tout le monde connaissait Basile. Le pauvre n’avait plus toute sa tête depuis l’accident qui, lorsqu’il était enfant, avait couté la vie à ses parents et lui avait ravi le peu d’intelligence qu’ils avaient pu lui léguer. Il logeait dans un réduit derrière la mairie, qu’il partageait avec le matériel de la commune. Monsieur le Maire lui donnait un petit salaire pour balayer les bâtiments communaux et la grand place, ou pour tailler les arbres et les rosiers de monsieur l’instituteur. Tout le monde avait, quand on le rencontrait, un mot gentil ou une tape condescendante sur l’épaule.
Seulement voilà : depuis quelques temps, les regards sur Basile changeaient. Basile avait une maitresse. C’était monsieur Gibert qui l’avait découvert en passant par hasard derrière la mairie après une soirée bien arrosée. Au début, il crut que Basile égorgeait un mouton, mais il s’aperçut rapidement, le rouge lui montant aux oreilles, que les cris qu’il entendait ne pouvaient provenir que d’une femme en proie au plaisir amoureux. Et quelle étreinte se devait être ! Monsieur Gibert en avait le cœur pincé de jalousie. Sacrifiant à la décence, Monsieur Gibert s’éloigna poliment pour respecter l’intimité de la vie privée de Basile. Mais cette attente ne devait pas durer bien longtemps, puisque le lendemain, l’heure de l’apéritif n’avait pas encore sonnée que le village entier discutait de la chose. Qui cela pouvait-il bien être ? Les hypothèses et les suppositions fusaient plus vite que les feux d’artifice du 14 juillet. La veuve Menile ? Surement pas ! Elle avait 80 ans ! La jeune Nathalie ? Son fiancé fut formel, à l’heure du crime ils dinaient ensemble dans sa famille. La nuit suivante, ce fut le vieil Antoine qui passa devant le réduit de Basile, rentrant chez lui après une belote acharnée où il avait perdu plus que ce que sa femme pourrait lui pardonner. Lui aussi entendit les ébats de Basile, qui semblait devoir pour le moins tenir de l’exploit sportif. Il hésita un moment à frapper à la porte pour être sur que tout allait bien, mais ne put s’y résoudre par crainte du ridicule.
Le lendemain, il ne manqua pas de compter les exploits du simple d’esprit, narrant lui aussi le caractère formidable de la chose. La rumeur s’amplifia, les soupçons se firent plus insistants. Certains lançaient des paris. Les femmes laissaient un sourire envieux passer sur leurs lèvres ou donnaient de vifs coups de coudes pleins de reproches dans les côtes de leurs maris.
Chaque nuit, l’arrière de la mairie devenait un lieu de passage de plus en plus fréquenté. On s’y saluait d’un sourire gêné, jetant un vague coup d’œil rapide vers la fenêtre où on espérait, en vain, découvrir un indice.
Le jour, on dévisageait les visages des femmes pour chercher à y déceler les stigmates d’une extase amoureuse.
Au bout d’un mois, la situation s’envenima. Si Basile avait fréquenté une étrangère au village, cela se serait su, à la longue ! C’était donc forcément quelqu’un d’ici. Les maris soupçonnaient leur femme, les mères soupçonnaient leurs filles ; chacun et chacune se dévisageait avec suspicion. Et bien sûr, personne n’osait demander directement à Basile, car cela ne se faisait pas. Ce n’est que lorsque le boulanger  se fut retrouvé chez le docteur, battu comme plâtre par sa femme à coup de pelle à pain pour lui avoir dit dans un moment de colère que ce devait être elle la fameuse maitresse, que l’on décida que trop, c’était trop ! Il fallait savoir !
On envoya donc monsieur le curé, neutre dans les affaires de cœur, pour poser à Basile la question fatidique.
L’entrevue se déroula chez Basile, à l’heure de la sieste. Après avoir servi poliment un verre de vin rouge à monsieur le curé, Basile attendit patiemment que celui-ci veuille bien lui dire ce qu’il voulait de lui.
-          - Basile, commenca monsieur le curé, tripotant nerveusement son verre. Tout le village sait que tu as… une amie qui vient te rendre visite le soir et avec laquelle tu… Je ne te parlerais pas de péché, pauvre innocent, mais disons avec laquelle tu… t’unis charnellement.
-          - Oh oui, monsieur le curé ! Même que c’est drôlement agréable.
Monsieur le curé fit une grimace génée.
-          - Bien sûr, Basile, bien sûr. Mais cette femme, elle est du village, n’est-ce pas ?
Basile fronca les sourcils, réfléchissant intensément.
-          - Oui, monsieur le curé.
-          - Bien ! Alors pour la sauvegarde de la sécurité du village, il faut me dire de qui il s’agit car vois-tu, cette histoire a jeté notre petite population dans le chaos le plus total. N’ai pas peur, Basile, tu ne seras pas réprimandé.
Basile afficha une mine un peu génée et sembla encore une fois se plonger dans une réflexion intense.
-          - Ben… hésita-t-il. La veuve Ménile…
-          - Quoi ? explosa monsieur le curé. Cette pauvre femme de plus de 80 ans ? Mais Basile ! Inconscient que tu es ! Mais tu vas la tuer ! Tu ne te rends pas compte de ce que tu fais ! Tu vas me faire le plaisir d’aller lui faire tes excuses immédiatement ! Je cours chercher le docteur, qu’il puisse l’examiner.
-          - Non, non, m’sieur le curé ! balbutia Basile d’un air affolé. La veuve Ménile… c’est la seule du village à pas être venue.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire